Après avoir vécu toute mon enfance à la campagne, la rentrée à l’université avait été synonyme pour moi du grand départ. C’est en effet pour cette occasion que je m’étais installée sur la métropole lilloise. L’euphorie propre à la découverte des avantages de la grande ville avait cependant vite laissé place à un vide intérieur. Certes, tout était si proche et si accessible, mais cela en perdait de sa valeur. J’avais ainsi vite regretté la campagne de mon enfance. L’envie d’air frais et de nouveaux horizons était vite devenue un besoin réel et conséquent. Malheureusement, mes obligations m’empêchaient de quitter la ville. C’est ainsi que, quelques années et quelques économies plus tard, j’ai fait l’acquisition d’un fourgon aménageable. Cela me permettrait au moins de partir au grand air de temps en temps. Moins de 200 000 kilomètres au compteur et une mécanique en parfait état, j’avais trouvé le compagnon de route idéal. Les mois suivants furent consacrés à l’aménagement, une période excitante, mais qui mit ma patience à rude épreuve. Plus les travaux avançaient, plus le départ se faisait attendre. Après plusieurs week-ends d’efforts, je fus cependant enfin prête à partir à la découverte du monde, ou tout du moins, des environs !
En profitant des vacances scolaires et en posant quelques jours de congés, j’ai alors réussi à me libérer une semaine complète afin de partir à l’aventure. J’ai donc fait mon sac et pris le nécessaire vital : quelques vêtements, mes lunettes de soleil, ma trousse de toilette, quelques livres, des CDs pour la route, un réchaud, un peu de nourriture et des cartes routières. J’avais tout ce qu’il fallait pour tenir une semaine complète sans devoir retourner à la civilisation. J’allais enfin pouvoir partir loin de tout et voguer seule là où cela me plairait, sans obligation, sans influence, sans contact. Le jour du départ, je me voyais comme la pilote d’un vaisseau, accrochant fièrement la clé du camion à mon trousseau et arborant ma plus belle paire de Ray Ban pour appréhender la route. Je n’étais pas partie totalement seule. Pour seul équipage, j’ai embarqué mon chien. C’était le plus fidèle compère pour un tel voyage. L’animal ne se rendait pas compte de l’aventure qui l’attendait, il ne comprenait rien. Je me suis installée sur le siège conducteur, il s’est installé à mes côtés, sur le siège passager, et s’est préparé à faire une petite sieste. Il était là au soleil, dormant tranquillement, tandis que j’arrivais sur la nationale. Je m’étais fixée pour premier point d’arrivée un petit terrain de camping sauvage que j’avais repéré sur une application. Il était situé sur la côte bretonne. Endroit idéal pour un tel voyage ! Que peut-on rêver de mieux quand on part en fourgon que de se retrouver au petit matin, la porte arrière ouverte, avec une vue sur la mer depuis son petit lit douillet ? Je suis partie en fin de matinée et me suis donné pour objectif d’arriver avant la tombée de la nuit. Malheureusement, le projet était légèrement ambitieux. Prendre la route seule était légèrement plus complexe que prévu. Plusieurs pauses furent nécessaires afin de lutter contre la tentation du sommeil. Je suis donc arrivée bien après la tombée de la nuit. Le terrain que j’avais choisi sur l’application était directement situé le long de la plage. En partant du terrain où j’ai garé le van, il m’a alors suffi de marcher quelques mètres afin de me retrouver sur le sable. J’ai donc profité dès l’arrivée d’un petit tour rapide des environs avec mon chien, non loin de mon point d’ancrage. Puis je suis montée à l’arrière du camion et me suis préparée pour la nuit. J’avais aménagé mon fourgon d’une manière relativement simple. Un ami m’avait aidé à faire une structure en hauteur pour le lit, avec un sommier en bois de palette, qui me permettait de mettre un vrai matelas par-dessus et d’avoir un lit aussi confortable que celui de mon appartement. Sous la structure située à l’arrière du fourgon, j’avais aménagé des petites étagères du côté caisse et un espace coffre à l’arrière, ce qui me permettait de ranger et de stocker toutes mes affaires, mon eau, ma nourriture, les outils pour la mécanique, et même un ensemble composé d’une table et de plusieurs fauteuils de camping. Le reste de la caisse était composé d’un petit coffre servant de banquette, qui pouvait contenir toutes mes chaussures, et d’un petit meuble vasque improvisé. Juste de quoi faire la vaisselle en laissant couler l’eau d’un jerrican, eau qui était directement recueillie dans un seau grâce à un siphon improvisé. Le tout était assorti d’une décoration assez sommaire, mais personnelle. J’avais notamment accroché de nombreuses photos et suspendu quelques plantes, en perforant le bardage qui surplombait l’isolation. L’ensemble était assez cocon. Avant de me coucher, j’ai sorti mon réchaud et ai préparé une boite de raviolis. Puis, j’ai choisi un livre parmi tous ceux que j’avais embarqués et me suis installée avec une petite torche dans mon lit. J’ai alors à peine eu le temps de lire quelques pages que je me suis directement endormie. La fatigue de la route était trop importante !
Le lendemain matin, j’ai été réveillée par la lumière du jour qui illuminait l’intérieur de l’habitacle à travers les fenêtres. Je me suis alors dit qu’il faudrait prévoir des petits rideaux pour masquer le jour lors de mes prochains départs. Cependant, j’étais plutôt contente de m’éveiller assez tôt pour admirer l’aurore. J’ai alors rapidement changé le camion de place afin que les portes arrières soient face à la mer. Ainsi, j’ai pu me faire un petit café et le prendre directement dans mon lit tout en admirant l’horizon. Quelle sensation de bonheur et de liberté ! Loin du brouhaha de la ville, je me sentais si apaisée. Il n’y avait là que le bruit des vagues et le chant des mouettes. Ma tasse vite enfilée, je pris mon compagnon et nous allâmes faire une ballade le long du front de mer. Je pris ensuite ma petite trousse de toilette afin de me rendre au camping d’à côté prendre une douche. Et oui, même loin de tout, j’avais prévu de pouvoir garder un minimum syndical de confort. Je m’étais même équipée d’une douche solaire en cas de besoin. Fraîche et prête à profiter du bonheur de la nature, je pris un petit sac à dos avec un livre, de l’eau et un pique-nique afin de passer toute la journée dans le sable. Prise dans ma lecture, ce n’est qu’au coucher de soleil que je suis rentrée au camion. J’ai alors pris le temps de cuisiner sur ma table de camping, assise face au coucher de soleil. Puis, je me suis couchée assez tôt pour profiter de la journée à venir.
Nouvelle journée. J’ai rapidement bu mon café. Puis, après un petit check du camion, j’ai pris le départ pour un nouveau point d’ancrage. Sur la route, j’ai remarqué un supermarché de village. La veille, je m’étais dit qu’il était quand même bien dommage de ne pas avoir pris une bouteille de vin afin d’accompagner mon repas au soleil couchant ! Malgré ma résolution de ne pas retourner à la civilisation durant la semaine, j’ai donc fait un arrêt et j’ai acheté une bouteille de rouge avec quelques olives pour accompagner mes futures soirées. Il me restait alors encore deux heures de route afin de descendre jusqu’à une petite pointe le long des côtes du Morbihan. Mais, malheureusement, j’avais rapidement oublié la prévention routière. J’avais fait attention à chaque détail pour l’aménagement, chaque détail pour le départ, mais comme une novice, j’avais complètement oublié de vérifier la pression des pneus. Le camion était trop chargé et les pneus n’étaient quant à eux pas suffisamment gonflés pour supporter une telle charge. Et ça, ça ne pardonne, ce n’est pas une légende urbaine, on l’apprend au code de la route, un sous-gonflage des pneus amène un risque d’éclatement ! Et là, c’est l’accident garanti ! Je n’avais donc pas fait la moitié du chemin quand le pneu éclata. Aussi, je pris la décision de m’arrêter en contrebas de la route et de monter la roue de secours. Heureusement, lors de l’aménagement du van, j’avais pensé à la rendre plus accessible que de coutume dans ce type de véhicule. J’ai ainsi rapidement pu faire le changement et décidai de m’arrêter à la prochaine aire de repos pour prendre un petit café. Rien de tel pour se remettre de ses émotions. D’aplomb, je terminai le reste de la route et arrivai juste à temps pour voir le coucher de soleil ! Je préparai un verre de rouge, quelques olives et je pus savourer pleinement ce moment de bonheur. Épuisée des événements de la journée, je décidai d’attendre le lendemain pour découvrir les environs.
Après cette bonne nuit de sommeil, je débordais d’énergie. Cette nuit réparatrice m’avait complètement requinquée. Je suis alors partie à la découverte de l’endroit où j’avais établi temporairement domicile. Cette pointe était magnifique ! Elle était d’une étonnante particularité. En effet, j’étais garée au début de la pointe, où un parking en terre avait été aménagé. On trouvait un petit port de pêcheurs juste à côté, où des dizaines de bateaux étaient soumis au bon vouloir des marées. Alors qu’ils étaient totalement immergés dans l’eau la veille au soir, ils étaient désormais totalement à sec ! Lorsque l’on passait le parking et le port, en avançant sur la pointe, on trouvait une minuscule plage qui s’était formée à une embouchure de la mer. Puis, la pointe se poursuivait étonnamment par une forêt luxuriante. Je n’avais jamais vu un tel paysage. Je n’avais jamais vu un lieu rassemblant mer et forêt ! C’était étonnant et magnifique ! J’ai alors voulu faire une randonnée avec mon appareil photo, afin d’en garder de précieux souvenirs. J’avais en effet décidé d’installer un tableau en liège dans le fourgon à mon retour et d’y accrocher les photos de tous les voyages que j’effectuerais à son bord. La journée fut donc assez productive et je fus très heureuse d’avoir pu immortaliser ce moment ! Cette ballade me donna même envie de finir cette semaine d’aventure en passant par Brocéliande, forêt mystique et légendaire ! Il s’avérait que Brocéliande était justement sur la route de mon retour et il me restait encore deux jours avant de devoir rentrer ! Je pris donc cette résolution pour le lendemain et profitai pleinement d’un dernier coucher de soleil le long de la côte bretonne !
Départ pour la forêt de Brocéliande, direction Ploërmel ! Je fis un petit arrêt sur la route, afin d’acheter quelques provisions pour me faire de bons pique-niques. Je m’étais promis de couper net avec la civilisation pendant mon voyage, mais je ne sus pas résister au besoin de faire un ou deux détours par des magasins. Pour autant, les deux derniers jours seraient totalement centrés sur la randonnée. Départ à la journée, marche, arrêt pique-nique, marche, arrêt lecture, marche et enfin apéro-camion. Ça, ce sont des vacances. Malheureusement, je n’étais pas encore arrivée à Ploërmel que je ressentais déjà le cafard qui précède le retour à la routine. Je voulais tellement pouvoir vivre ainsi chaque jour de ma vie, loin de tout. Être loin des responsabilités, des obligations sociales. Ne pas avoir de rythme effréné à tenir et de pression sur les épaules. Pouvoir simplement faire ce que je voulais quand je le voulais. Respirer à l’air libre, loin de la pollution. Cependant, la vie et surtout le passage à l’âge adulte nous amènent au temps des responsabilités. On ne peut plus fuir, on peut seulement s’adapter et faire des concessions. Ces vacances me faisaient toutefois réfléchir à l’avenir et à quels moyens je pourrais mettre en place pour trouver un compromis. Peut-être devais-je déménager ? Retourner vivre à la campagne, ou carrément partir loin, vivre à la montagne, loin des plaines flamandes ? Je passai alors le trajet à ruminer tout cela. Puis, en arrivant, je passai encore ma première randonnée et la soirée à ressasser encore et encore ces questions. Peut-être était-il réellement temps pour moi de bouger ? De ne pas limiter le départ à des vacances en fourgon, mais de réellement casser la routine. Mais étais-je vraiment capable de partir vivre ailleurs, de tout quitter et de tout recommencer ? De partir loin de la famille et des amis. J’ai alors pensé que c’était toutefois une piste à envisager. Je me suis endormie ce soir-là la tête remplie de questions sans réponses.
Dernier jour avant le grand retour. Le temps était passé si vite. La nuit m’avait porté conseil et je pensais réfléchir à un possible changement de vie en rentrant. Je me suis rendue compte que ce désir de voguer vers de nouveaux horizons, ce désir d’air frais et de nature, reflétait sûrement la nécessité d’un changement dans mon quotidien. Il ne s’agissait assurément pas de partir seulement en vacances avec un van et de se sentir libre le temps d’une semaine. Je pensais avoir besoin de plus que ça. C’était la nécessité d’un changement global de mon quotidien, d’un changement total de vie, qui me semblait avoir animé l’acquisition de ce fourgon. Il était sûrement temps pour moi d’oser me déraciner. Après tout, je pourrais finir mes études ailleurs et trouver un autre emploi. Rien ne sert de s’attacher à ce genre de détails. Mais laisser ses amis et sa famille semblait plus compliqué. Malgré cela, on ne les laisse jamais tout à fait. On s’éloigne juste, pour un temps, et l’on se retrouve toujours. Après un long réveil, je pris mon sac à dos, embarquai le nécessaire pour la journée et marchai jusqu’à mon retour, avec mon fidèle compagnon, en rêvassant à mon nouveau projet de vie. Au fur et à mesure, c’était une révélation. Cette semaine de vacances, loin de tout, m’a sûrement permis de faire un retour sur moi-même et de me rendre compte de ce que je voulais réellement. Tout semblait désormais si limpide. À mon retour au vaisseau, je me servis un petit verre de rouge afin de fêter cette grande découverte et commençai la lecture d’un nouveau bouquin. Je passai la quasi-totalité de la soirée dehors, à la lumière d’une lampe à huile et savourai cette dernière soirée au grand air. J’ai alors entendu le bruit des animaux dans la forêt. On aurait dit qu’ils composaient une symphonie. Ces sons me procuraient une sensation de bien-être et je me sentais totalement détendue et paisible. Je n’avais pas tant porté attention à cela la veille tant j’étais perdue dans mes pensées. Cependant, je restais cette fois plantée là pendant des heures à n’entendre plus que cela. Il était déjà bien tard quand je me suis endormie. Seul le froid parvint alors à me convaincre de laisser le sommeil me gagner.
Jour du grand retour. Je fus réveillée par le chant des oiseaux. Je pris alors un dernier petit-déjeuner au grand air, en prenant soin de me laisser de côté un immense thermos de café, seul soutien pour m’aider à tenir les huit heures de route. J’ai ensuite fait une dernière ballade avant de charger toutes mes affaires et de faire un petit check de la mécanique. Il était déjà midi lorsque je lançai le contact. Le camion était garé le long d’un petit sentier en pleine forêt. Le terrain était légèrement humide, mais il n’avait pas plu depuis mon arrivée. Un petit demi-tour avec précaution et cela devrait se passer sans accroc. Je commençai mon demi-tour, mais là, ce fut le drame. En faisant marche arrière, ma roue arrière droite s’est enfoncée dans la terre et le camion s’est embourbé. J’ai donc essayé d’avancer de nouveau en première, mais la roue patinait. Il s’agissait en réalité de la roue de secours que j’avais montée quelques jours auparavant. Elle devait être trop lisse pour réussir à accrocher. Après plusieurs tentatives, je me suis donc rendue à l’évidence. Il allait être très compliqué de désembourber un van aussi chargé, seule, avec mes si petits bras. J’étais en pleine forêt, je n’avais que peu de réseau et ne savais même pas comment indiquer ma position si j’en venais à devoir appeler une dépanneuse. Autant dire que je n’étais pas sortie de l’auberge. Je pris alors une décision radicale. Je déposai une bâche au sol. J’y déposai ensuite toutes les affaires que j’avais du décharger, ainsi que l’aménagement du camion que je me voyais obligée de démonter. Heureusement, la tentative s’avéra fructueuse. Pour autant, je ne me voyais pas faire huit heures de route avec un pneu déjà lisse qui avait bien patiné et s’avérait dans un piteux état. Je m’arrêtai donc au premier garage que je trouvais sur mon itinéraire. Drôle de retour à la civilisation. Je pensais pouvoir rêvasser toute la route et ne me réveiller que par un choc brutal lorsque j’ouvrirai ma porte d’entrée. Mais, ce fut finalement le garage d’un petit village, avec des employés à l’accent reconnaissable, qui marqua mon retour à la réalité. Après le changement des roues, je repris la route, non pas mécontente, mais quelque peu chamboulée par l’aventure et me promis d’être plus prudente concernant ce genre de détails lors de mon prochain départ.
La route fut longue et douloureuse. Je me sentais déchirée à l’idée de rentrer et de reprendre ma routine. Je suis enfin arrivée en pleine nuit. J’ai alors déchargé toutes mes affaires, ai pris une douche et me suis directement couchée. Le lendemain matin, le réveil sonna. Nous étions lundi. La routine recommençait. Métro, boulot, dodo. Je profitai du week-end suivant pour réfléchir à mon nouveau projet et m’armai de patience. Pleine de résolution et animée par la fougue de mon dernier voyage, je comptais bien enfin quitter la métropole.
Après avoir vécu toute mon enfance à la campagne, la rentrée à l’université avait été synonyme pour moi du grand départ. C’est en effet pour cette occasion que je m’étais installée sur la métropole lilloise. L’euphorie propre à la découverte des avantages de la grande ville avait cependant vite laissé place à un vide intérieur. Certes, tout était si proche et si accessible, mais cela en perdait de sa valeur. J’avais ainsi vite regretté la campagne de mon enfance. L’envie d’air frais et de nouveaux horizons était vite devenue un besoin réel et conséquent. Malheureusement, mes obligations m’empêchaient de quitter la ville. C’est ainsi que, quelques années et quelques économies plus tard, j’ai fait l’acquisition d’un fourgon aménageable. Cela me permettrait au moins de partir au grand air de temps en temps. Moins de 200 000 kilomètres au compteur et une mécanique en parfait état, j’avais trouvé le compagnon de route idéal. Les mois suivants furent consacrés à l’aménagement, une période excitante, mais qui mit ma patience à rude épreuve. Plus les travaux avançaient, plus le départ se faisait attendre. Après plusieurs week-ends d’efforts, je fus cependant enfin prête à partir à la découverte du monde, ou tout du moins, des environs !
En profitant des vacances scolaires et en posant quelques jours de congés, j’ai alors réussi à me libérer une semaine complète afin de partir à l’aventure. J’ai donc fait mon sac et pris le nécessaire vital : quelques vêtements, mes lunettes de soleil, ma trousse de toilette, quelques livres, des CDs pour la route, un réchaud, un peu de nourriture et des cartes routières. J’avais tout ce qu’il fallait pour tenir une semaine complète sans devoir retourner à la civilisation. J’allais enfin pouvoir partir loin de tout et voguer seule là où cela me plairait, sans obligation, sans influence, sans contact. Le jour du départ, je me voyais comme la pilote d’un vaisseau, accrochant fièrement la clé du camion à mon trousseau et arborant ma plus belle paire de Ray Ban pour appréhender la route. Je n’étais pas partie totalement seule. Pour seul équipage, j’ai embarqué mon chien. C’était le plus fidèle compère pour un tel voyage. L’animal ne se rendait pas compte de l’aventure qui l’attendait, il ne comprenait rien. Je me suis installée sur le siège conducteur, il s’est installé à mes côtés, sur le siège passager, et s’est préparé à faire une petite sieste. Il était là au soleil, dormant tranquillement, tandis que j’arrivais sur la nationale. Je m’étais fixée pour premier point d’arrivée un petit terrain de camping sauvage que j’avais repéré sur une application. Il était situé sur la côte bretonne. Endroit idéal pour un tel voyage ! Que peut-on rêver de mieux quand on part en fourgon que de se retrouver au petit matin, la porte arrière ouverte, avec une vue sur la mer depuis son petit lit douillet ? Je suis partie en fin de matinée et me suis donné pour objectif d’arriver avant la tombée de la nuit. Malheureusement, le projet était légèrement ambitieux. Prendre la route seule était légèrement plus complexe que prévu. Plusieurs pauses furent nécessaires afin de lutter contre la tentation du sommeil. Je suis donc arrivée bien après la tombée de la nuit. Le terrain que j’avais choisi sur l’application était directement situé le long de la plage. En partant du terrain où j’ai garé le van, il m’a alors suffi de marcher quelques mètres afin de me retrouver sur le sable. J’ai donc profité dès l’arrivée d’un petit tour rapide des environs avec mon chien, non loin de mon point d’ancrage. Puis je suis montée à l’arrière du camion et me suis préparée pour la nuit. J’avais aménagé mon fourgon d’une manière relativement simple. Un ami m’avait aidé à faire une structure en hauteur pour le lit, avec un sommier en bois de palette, qui me permettait de mettre un vrai matelas par-dessus et d’avoir un lit aussi confortable que celui de mon appartement. Sous la structure située à l’arrière du fourgon, j’avais aménagé des petites étagères du côté caisse et un espace coffre à l’arrière, ce qui me permettait de ranger et de stocker toutes mes affaires, mon eau, ma nourriture, les outils pour la mécanique, et même un ensemble composé d’une table et de plusieurs fauteuils de camping. Le reste de la caisse était composé d’un petit coffre servant de banquette, qui pouvait contenir toutes mes chaussures, et d’un petit meuble vasque improvisé. Juste de quoi faire la vaisselle en laissant couler l’eau d’un jerrican, eau qui était directement recueillie dans un seau grâce à un siphon improvisé. Le tout était assorti d’une décoration assez sommaire, mais personnelle. J’avais notamment accroché de nombreuses photos et suspendu quelques plantes, en perforant le bardage qui surplombait l’isolation. L’ensemble était assez cocon. Avant de me coucher, j’ai sorti mon réchaud et ai préparé une boite de raviolis. Puis, j’ai choisi un livre parmi tous ceux que j’avais embarqués et me suis installée avec une petite torche dans mon lit. J’ai alors à peine eu le temps de lire quelques pages que je me suis directement endormie. La fatigue de la route était trop importante !
Le lendemain matin, j’ai été réveillée par la lumière du jour qui illuminait l’intérieur de l’habitacle à travers les fenêtres. Je me suis alors dit qu’il faudrait prévoir des petits rideaux pour masquer le jour lors de mes prochains départs. Cependant, j’étais plutôt contente de m’éveiller assez tôt pour admirer l’aurore. J’ai alors rapidement changé le camion de place afin que les portes arrières soient face à la mer. Ainsi, j’ai pu me faire un petit café et le prendre directement dans mon lit tout en admirant l’horizon. Quelle sensation de bonheur et de liberté ! Loin du brouhaha de la ville, je me sentais si apaisée. Il n’y avait là que le bruit des vagues et le chant des mouettes. Ma tasse vite enfilée, je pris mon compagnon et nous allâmes faire une ballade le long du front de mer. Je pris ensuite ma petite trousse de toilette afin de me rendre au camping d’à côté prendre une douche. Et oui, même loin de tout, j’avais prévu de pouvoir garder un minimum syndical de confort. Je m’étais même équipée d’une douche solaire en cas de besoin. Fraîche et prête à profiter du bonheur de la nature, je pris un petit sac à dos avec un livre, de l’eau et un pique-nique afin de passer toute la journée dans le sable. Prise dans ma lecture, ce n’est qu’au coucher de soleil que je suis rentrée au camion. J’ai alors pris le temps de cuisiner sur ma table de camping, assise face au coucher de soleil. Puis, je me suis couchée assez tôt pour profiter de la journée à venir.
Nouvelle journée. J’ai rapidement bu mon café. Puis, après un petit check du camion, j’ai pris le départ pour un nouveau point d’ancrage. Sur la route, j’ai remarqué un supermarché de village. La veille, je m’étais dit qu’il était quand même bien dommage de ne pas avoir pris une bouteille de vin afin d’accompagner mon repas au soleil couchant ! Malgré ma résolution de ne pas retourner à la civilisation durant la semaine, j’ai donc fait un arrêt et j’ai acheté une bouteille de rouge avec quelques olives pour accompagner mes futures soirées. Il me restait alors encore deux heures de route afin de descendre jusqu’à une petite pointe le long des côtes du Morbihan. Mais, malheureusement, j’avais rapidement oublié la prévention routière. J’avais fait attention à chaque détail pour l’aménagement, chaque détail pour le départ, mais comme une novice, j’avais complètement oublié de vérifier la pression des pneus. Le camion était trop chargé et les pneus n’étaient quant à eux pas suffisamment gonflés pour supporter une telle charge. Et ça, ça ne pardonne, ce n’est pas une légende urbaine, on l’apprend au code de la route, un sous-gonflage des pneus amène un risque d’éclatement ! Et là, c’est l’accident garanti ! Je n’avais donc pas fait la moitié du chemin quand le pneu éclata. Aussi, je pris la décision de m’arrêter en contrebas de la route et de monter la roue de secours. Heureusement, lors de l’aménagement du van, j’avais pensé à la rendre plus accessible que de coutume dans ce type de véhicule. J’ai ainsi rapidement pu faire le changement et décidai de m’arrêter à la prochaine aire de repos pour prendre un petit café. Rien de tel pour se remettre de ses émotions. D’aplomb, je terminai le reste de la route et arrivai juste à temps pour voir le coucher de soleil ! Je préparai un verre de rouge, quelques olives et je pus savourer pleinement ce moment de bonheur. Épuisée des événements de la journée, je décidai d’attendre le lendemain pour découvrir les environs.
Après cette bonne nuit de sommeil, je débordais d’énergie. Cette nuit réparatrice m’avait complètement requinquée. Je suis alors partie à la découverte de l’endroit où j’avais établi temporairement domicile. Cette pointe était magnifique ! Elle était d’une étonnante particularité. En effet, j’étais garée au début de la pointe, où un parking en terre avait été aménagé. On trouvait un petit port de pêcheurs juste à côté, où des dizaines de bateaux étaient soumis au bon vouloir des marées. Alors qu’ils étaient totalement immergés dans l’eau la veille au soir, ils étaient désormais totalement à sec ! Lorsque l’on passait le parking et le port, en avançant sur la pointe, on trouvait une minuscule plage qui s’était formée à une embouchure de la mer. Puis, la pointe se poursuivait étonnamment par une forêt luxuriante. Je n’avais jamais vu un tel paysage. Je n’avais jamais vu un lieu rassemblant mer et forêt ! C’était étonnant et magnifique ! J’ai alors voulu faire une randonnée avec mon appareil photo, afin d’en garder de précieux souvenirs. J’avais en effet décidé d’installer un tableau en liège dans le fourgon à mon retour et d’y accrocher les photos de tous les voyages que j’effectuerais à son bord. La journée fut donc assez productive et je fus très heureuse d’avoir pu immortaliser ce moment ! Cette ballade me donna même envie de finir cette semaine d’aventure en passant par Brocéliande, forêt mystique et légendaire ! Il s’avérait que Brocéliande était justement sur la route de mon retour et il me restait encore deux jours avant de devoir rentrer ! Je pris donc cette résolution pour le lendemain et profitai pleinement d’un dernier coucher de soleil le long de la côte bretonne !
Départ pour la forêt de Brocéliande, direction Ploërmel ! Je fis un petit arrêt sur la route, afin d’acheter quelques provisions pour me faire de bons pique-niques. Je m’étais promis de couper net avec la civilisation pendant mon voyage, mais je ne sus pas résister au besoin de faire un ou deux détours par des magasins. Pour autant, les deux derniers jours seraient totalement centrés sur la randonnée. Départ à la journée, marche, arrêt pique-nique, marche, arrêt lecture, marche et enfin apéro-camion. Ça, ce sont des vacances. Malheureusement, je n’étais pas encore arrivée à Ploërmel que je ressentais déjà le cafard qui précède le retour à la routine. Je voulais tellement pouvoir vivre ainsi chaque jour de ma vie, loin de tout. Être loin des responsabilités, des obligations sociales. Ne pas avoir de rythme effréné à tenir et de pression sur les épaules. Pouvoir simplement faire ce que je voulais quand je le voulais. Respirer à l’air libre, loin de la pollution. Cependant, la vie et surtout le passage à l’âge adulte nous amènent au temps des responsabilités. On ne peut plus fuir, on peut seulement s’adapter et faire des concessions. Ces vacances me faisaient toutefois réfléchir à l’avenir et à quels moyens je pourrais mettre en place pour trouver un compromis. Peut-être devais-je déménager ? Retourner vivre à la campagne, ou carrément partir loin, vivre à la montagne, loin des plaines flamandes ? Je passai alors le trajet à ruminer tout cela. Puis, en arrivant, je passai encore ma première randonnée et la soirée à ressasser encore et encore ces questions. Peut-être était-il réellement temps pour moi de bouger ? De ne pas limiter le départ à des vacances en fourgon, mais de réellement casser la routine. Mais étais-je vraiment capable de partir vivre ailleurs, de tout quitter et de tout recommencer ? De partir loin de la famille et des amis. J’ai alors pensé que c’était toutefois une piste à envisager. Je me suis endormie ce soir-là la tête remplie de questions sans réponses.
Dernier jour avant le grand retour. Le temps était passé si vite. La nuit m’avait porté conseil et je pensais réfléchir à un possible changement de vie en rentrant. Je me suis rendue compte que ce désir de voguer vers de nouveaux horizons, ce désir d’air frais et de nature, reflétait sûrement la nécessité d’un changement dans mon quotidien. Il ne s’agissait assurément pas de partir seulement en vacances avec un van et de se sentir libre le temps d’une semaine. Je pensais avoir besoin de plus que ça. C’était la nécessité d’un changement global de mon quotidien, d’un changement total de vie, qui me semblait avoir animé l’acquisition de ce fourgon. Il était sûrement temps pour moi d’oser me déraciner. Après tout, je pourrais finir mes études ailleurs et trouver un autre emploi. Rien ne sert de s’attacher à ce genre de détails. Mais laisser ses amis et sa famille semblait plus compliqué. Malgré cela, on ne les laisse jamais tout à fait. On s’éloigne juste, pour un temps, et l’on se retrouve toujours. Après un long réveil, je pris mon sac à dos, embarquai le nécessaire pour la journée et marchai jusqu’à mon retour, avec mon fidèle compagnon, en rêvassant à mon nouveau projet de vie. Au fur et à mesure, c’était une révélation. Cette semaine de vacances, loin de tout, m’a sûrement permis de faire un retour sur moi-même et de me rendre compte de ce que je voulais réellement. Tout semblait désormais si limpide. À mon retour au vaisseau, je me servis un petit verre de rouge afin de fêter cette grande découverte et commençai la lecture d’un nouveau bouquin. Je passai la quasi-totalité de la soirée dehors, à la lumière d’une lampe à huile et savourai cette dernière soirée au grand air. J’ai alors entendu le bruit des animaux dans la forêt. On aurait dit qu’ils composaient une symphonie. Ces sons me procuraient une sensation de bien-être et je me sentais totalement détendue et paisible. Je n’avais pas tant porté attention à cela la veille tant j’étais perdue dans mes pensées. Cependant, je restais cette fois plantée là pendant des heures à n’entendre plus que cela. Il était déjà bien tard quand je me suis endormie. Seul le froid parvint alors à me convaincre de laisser le sommeil me gagner.
Jour du grand retour. Je fus réveillée par le chant des oiseaux. Je pris alors un dernier petit-déjeuner au grand air, en prenant soin de me laisser de côté un immense thermos de café, seul soutien pour m’aider à tenir les huit heures de route. J’ai ensuite fait une dernière ballade avant de charger toutes mes affaires et de faire un petit check de la mécanique. Il était déjà midi lorsque je lançai le contact. Le camion était garé le long d’un petit sentier en pleine forêt. Le terrain était légèrement humide, mais il n’avait pas plu depuis mon arrivée. Un petit demi-tour avec précaution et cela devrait se passer sans accroc. Je commençai mon demi-tour, mais là, ce fut le drame. En faisant marche arrière, ma roue arrière droite s’est enfoncée dans la terre et le camion s’est embourbé. J’ai donc essayé d’avancer de nouveau en première, mais la roue patinait. Il s’agissait en réalité de la roue de secours que j’avais montée quelques jours auparavant. Elle devait être trop lisse pour réussir à accrocher. Après plusieurs tentatives, je me suis donc rendue à l’évidence. Il allait être très compliqué de désembourber un van aussi chargé, seule, avec mes si petits bras. J’étais en pleine forêt, je n’avais que peu de réseau et ne savais même pas comment indiquer ma position si j’en venais à devoir appeler une dépanneuse. Autant dire que je n’étais pas sortie de l’auberge. Je pris alors une décision radicale. Je déposai une bâche au sol. J’y déposai ensuite toutes les affaires que j’avais du décharger, ainsi que l’aménagement du camion que je me voyais obligée de démonter. Heureusement, la tentative s’avéra fructueuse. Pour autant, je ne me voyais pas faire huit heures de route avec un pneu déjà lisse qui avait bien patiné et s’avérait dans un piteux état. Je m’arrêtai donc au premier garage que je trouvais sur mon itinéraire. Drôle de retour à la civilisation. Je pensais pouvoir rêvasser toute la route et ne me réveiller que par un choc brutal lorsque j’ouvrirai ma porte d’entrée. Mais, ce fut finalement le garage d’un petit village, avec des employés à l’accent reconnaissable, qui marqua mon retour à la réalité. Après le changement des roues, je repris la route, non pas mécontente, mais quelque peu chamboulée par l’aventure et me promis d’être plus prudente concernant ce genre de détails lors de mon prochain départ.
La route fut longue et douloureuse. Je me sentais déchirée à l’idée de rentrer et de reprendre ma routine. Je suis enfin arrivée en pleine nuit. J’ai alors déchargé toutes mes affaires, ai pris une douche et me suis directement couchée. Le lendemain matin, le réveil sonna. Nous étions lundi. La routine recommençait. Métro, boulot, dodo. Je profitai du week-end suivant pour réfléchir à mon nouveau projet et m’armai de patience. Pleine de résolution et animée par la fougue de mon dernier voyage, je comptais bien enfin quitter la métropole.
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