Peintes dans leur plus bel anonymat. Peintes dans la plus charnelle intimité. Offertes à notre vue. Sans nom, sans voix. Elles se donnent l’une à l’autre. Enlacées, passionnées.
Un penchant artistique fait danser de délicats coups de pinceau, recouvrant leurs caresses, tandis qu’un autre, presque plus voyeuriste qu’honteux, se plaît à imaginer ces mêmes caresses et celles qui les procurent. Ne pas détourner les yeux et penser… Penser ce bleu pastel et délavé des draps témoins de tant de choses. Ce bleu qui marque leur froissement, leur usure. Ce bleu qui recouvre ces corps chauds et apaisés, sereins. Et progressivement, le tableau prend vie et n’est plus une image furtive. Les traits du pinceau sont en mouvement et l’on entend le son de leurs baisers.
Par ce tableau, Toulouse-Lautrec rompt le secret de la porte fermée de cette chambre au cœur de la maison close dont on ne sait rien. Amies, amantes, elles ne cesseront jamais de susciter la curiosité. Que dirent-elles ensuite ? Peut-être rien. Elles continuent et cèdent infiniment à ce plaisir qui les unit, ce désir de l’autre et de la chair. Un plaisir intriguant. Elles sont là, femmes d’un temps passé qui pourtant s’embrassent à jamais. Et nous ne saurons pas leurs noms, le son de leur voix, la couleur de leurs yeux. Mais pour elles, leurs frissons sont peints pour l’éternité.
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