Documento (1966-1973) est le troisième recueil publié par Amelia Rosselli. Il est paru chez Garzanti, à Milan, en 1976. C’est à nos yeux le recueil le plus abouti de la Rosselli. Elle y abandonne sa recherche mystique d’un universalisme de la forme pour privilégier les pratiques d’altération au quotidien. D’où le titre, bataillien, de « document ». Nous avons eu le plaisir de signer la traduction parue aux éditions La Barque.
*
Proprio prima di dover partire scrissi
perciò voltando il dorso alla promessa
cose molto belle che solo tu con la
tua faccia infantile da ragazzo costretto
ad esser fiero puoi indicarmi.
Sì, scrissi finalmente cose belle, tutte
per te – non v’era pubblico più disattento.
Juste avant de devoir partir j’écrivis
alors en tournant le dos à ma promesse
de très belles choses que seul toi avec ton
visage infantile de garçon obligé
d’être fier tu peux m’indiquer.
Oui, j’écrivis finalement de belles choses, toutes
pour toi – il n’y avait pas de public plus inattentif.
*
Insonnia
I miei occhi che non s’aprono, dal
sonno o dalla tortura, ed invece eccoti
qua, a scegliere un’altra via : la medicina
per non addormentarti.
I miei occhi sembrano pieni di sabbia
tanto ha fatto l’alba svegliandosi
e costretta a riparare guasti, ha lanciato
motivi d’appello ; per non svegliarsi
ma invece sono le cinque ogni giorno
prima che la notte ti conosca in piedi
o assorto nel sonno.
Insomnie
Mes yeux qui ne s’ouvrent pas, par le
sommeil ou par la torture, et pourtant te voilà
ici, à choisir une autre voie : le médicament
pour ne pas t’endormir.
Mes yeux semblent pleins de sable
tant a fait l’aube en se réveillant
et obligée de réparer les dégâts, a lancé
les raisons de l’appel ; pour ne pas se réveiller
mais pourtant il est cinq heures tous les jours
avant que la nuit ne te sache debout
ou absorbé dans le sommeil.
*
Pietre tese nel bosco : hanno piccoli
amici, le formiche ed altri animali
che non so riconoscere. Il vento non
spazza via il sasso, quelle fosse, quei
resti d’ombra, quel vivere di sogni
pesanti.
Resti nell’ombra : ho un cuore che scotta
e poi si sfalda per ingenuamente ricordarsi
di non morire.
Ho un cuore come quella foresta : tutta
sarcastica a volte, i suoi rami lordi
discendono sulla testa a pesarti.
Pierres dressées dans le bois : elles ont de petits
amis, les fourmis et d’autres animaux
que je ne sais pas reconnaître. Le vent ne
balaie pas la pierre, ces fossés, ces
restes d’ombre, cette vie de rêves
pesants.
Tu restes dans l’ombre : j’ai un cœur qui brûle
et puis qui s’effrite pour naïvement se rappeler
de ne pas mourir.
J’ai un cœur comme cette forêt : toute
de sarcasmes parfois, ses branches souillées
descendent sur la tête et pèsent.
*
Con la malattia in bocca
spavento
per gli spaventapasseri
rose stinte e vi sono macchie sul muro
piccolissime nel granaio dei tuoi pensieri :
e con quale colore smetti di
dipingere ?
Avevo trovato il mio proprio opposto.
Come lo divorai ! Poi lo mangiai. E ne
fui divorata, in belle lettere.
E correre poi
al riparo mentre corrono anche certe
vecchie, all’orinatoio.
Poi smettono di correre.
Avec la maladie en bouche j’épouvante
pour les épouvantails
des roses fanées et il y a des tâches sur le mur
toutes petites dans le grenier de tes pensées :
et avec quelle couleur tu arrêtes de
peindre ?
J’avais trouvé mon exact opposé.
Comme je l’ai dévoré ! Puis je l’ai mangé. Et j’en
fus dévorée, en belles lettres.
Et courir ensuite
à l’abri pendant que courent aussi certaines
vieilles, à l’urinoir.
Après elles arrêtent de courir.
*
Concatenazione di cause : hai visto l’ombra
aggirarsi per foreste chiuse, e solo
all’alba del tramonto ti si offrì un
volto in petto riconosciuto per tuo
fratello che allungava la tua corta,
pericolante esistenza.
Ebbi timore di offendere la mano tesa
offesa : ebbi timore della mia pace troppo
solitaria.
Chiudendo il verso ho intravisto una
libertà che non perdura : hai fiato troppo
grosso tu con le tue lacrime gettate
ai piedi del primo venuto.
Bombe lacrimogene : hanno scelto un campo
a te del tutto indifferente per fraternizzare
con lo sciopero della rinuncia a
te stesso : che eri tu, per cui il mio
batticuore non vuole pace ma solo oblio
nel ramo più elevato del cielo.
Concaténation de causes : tu as vu l’ombre
errer par les forêts fermées, et seulement
à l’aube du coucher du soleil on t’offrit un
visage in petto reconnu comme ton
frère qui rallongeait ta courte,
branlante existence.
J’eus peur d’offenser la main tendue
offensée : j’eus peur de ma paix trop
solitaire.
En clôturant mon vers j’ai entrevu une
liberté qui ne dure pas : tu as le souffle trop
gros toi avec tes larmes jetées
aux pieds du premier venu.
Bombes lacrymogènes : ils ont choisi un terrain
qui t’est complètement indifférent pour fraterniser
avec la grève du renoncement à
toi-même : ce que tu étais, pour lequel mon
battement de cœur ne veut pas la paix mais juste l’oubli
de la branche la plus élevée du ciel.
*
Notte, labirinto sorteggiato
chilometri a volte ti dividono
dal rotondo occhio del vicino
fiori fiacchi nella mia mente
la distanza che separa
il vuoto coronarsi di successi
gli oliveti.
Con quel suo bel colore arancione
indeciso era tra tentazioni
è meglio farla finita con la fame,
bastonando i poveri cani
gatti impregnati di un sottile odore
che era la tua figura satanica o saggia.
Ha verde seme il bilancio della stagione
e io ho verde rimpianto
Cristo con le sue lumache
ha disperazione a tinte rosa
e blu profondo
« Inno alla vita sul punto di morte »
la sezione è un bidone.
Coronata di successo la mia
opera si fece ; per anni in camerini
lo studioso grezzo impazziva
di malinconia.
Nuit, labyrinthe tiré au sort
kilomètres parfois te séparent
de l’œil rond de ton voisin
fleurs fanées dans mon esprit
la distance qui sépare
le vide se couronner de succès
les oliveraies.
Avec sa belle couleur orange
il était indécis entre les tentations
mieux vaut en finir avec la faim,
en battant les pauvres chiens
des chats imprégnés d’une subtile odeur
qui était ta figure satanique ou sage.
Il a de vertes graines le bilan de la saison
et moi j’ai un vert remord
Christ avec ses escargots
a des désespoirs aux teintes rose
et bleu profond
« Hymne à la vie au bord de la mort »
la section est une arnaque.
Couronnée de succès mon
œuvre se fit ; pendant des années dans les loges
le savant frustre devenait fou
de mélancolie.
*
Ho venti giorni
per fare una revoluzione : ho
altri venti giorni dopo la rivoluzione
per conoscermi
mio piccolo diario sentenzioso
Tana per
le fresche menti
le parole,
un pugno
chiuso che le garantisce
la mia più imbattibile ragione d’essere.
Il nemico le strappa le vesti
la felicità è un micro-organismo nell’interno
dell’infelicità
nel cimitero
non sa smettere di essere felice.
J’ai vingt jours
pour faire une révolution : j’ai
encore vingt jours après la révolution
pour me connaître
mon petit journal sentencieux
Tanière pour
les esprits frais
les mots,
un poing
fermé qui lui garantit
ma plus imbattable raison d’être.
L’ennemi lui déchire les habits
le bonheur est un micro-organisme à l’intérieur
du malheur
dans le cimetière
il ne sait pas s’arrêter d’être heureux.
*
Credete di poter amarmi ? Avete visto in me
dei difetti ? Me li toglierei volentieri, in
vostro onore…
Ma non ho visto invece querelarsi invano le
beghe d’ufficio, i sismotici arrivisti, la
nostra giornata grigia e agitata.
Perché hanno steso questi fogli ? Perché hanno
fatto mistero delle vendite ? Perché questo
mio affanno impreparato ?
Ho ordito contro le folle una stampa libera
delle sue proprie azioni e mi travolge un
inconscio bisogno di gloria.
Eppure fu la bellezza a prima ispirare i raggi
di sole improvvisamente spenti dalla tenda
tirata !
Vous croyez pouvoir m’aimer ? Vous avez vu en moi
des défauts ? Je me les enlèverais volontiers, en
votre honneur…
Mais je n’ai pas vu en fait se quereller en vain les
disputes de bureau, les arrivistes sismotiques,
notre journée grise et agitée.
Pourquoi ont-ils étendu ces feuilles ? Pourquoi ont-ils
fait mystère des ventes ? Pourquoi en moi cette
anxiété imprévue ?
J’ai ourdi contre les foules une presse libre
de ses propres actions et me submerge un
besoin inconscient de gloire.
Et pourtant ce fut la beauté à inspirer d’abord les rayons
du soleil inopinément éteints par le rideau
tiré !
*
Fermi a un destino sempre semovente
o irriconoscibile tra gli alti pini
stentati, tra le tante altre cose
di cui non scriviamo purché riusciamo
a viverle, fra le tende del camping
v’erano infatti i soliti traditori :
me stessa travisata da imperatore povero
che mi guadagnavo a fatica un posto
dove vivere. Ho disfatto tutti i tunnel
dalla contr’ora : felicità di potersi scambiare
dure parole o felicità di potersi annullare
nel dolore di pochi che unisce
i molti, virtù nascosta e dolce
a chi scrive di cose indescrivibili.
Arrêtés à un destin toujours automoteur
ou méconnaissable entre les hauts pins
fatigués, entre tant d’autres choses
que nous n’écrivons pas pour que nous arrivions
à les vivre, parmi les tentes du camping
il y avait en fait les traîtres habituels :
moi-même travestie en empereur pauvre
pour gagner péniblement un endroit
où vivre. J’ai défait tous les tunnels
de la contre-heure : bonheur de pouvoir s’échanger
des mots durs ou bonheur de pouvoir s’annuler
dans la douleur des rares qui unit
les nombreux, vertu cachée et douce
pour qui écrit des choses indescriptibles.
*
Sciopero generale 1969
lampade accesissime e nell’urlo
d’una quieta folla rocambolesca
trovarsi lì a far sul serio : cioè
rischiare ! che nell’infantilismo
apparente schianti anche il mio
potere d’infischiarmene.
Un Dio molto interno poteva bastare
non bastò a me il mio egoismo
non bastò a queste genti il sapore
d’una ricchezza nella rivincita
del resto strozzata. Dovevamo
esprimere il meglio : regarlarsi
ad una retorica che era urlo
di protesta ad una distruzione
impavida nelle nostre impaurite
case. (Persi da me quell’amore
al verticale, a solitario dio
rivoluzionandomi nella gente
asportandomi dal cielo.)
Grève générale 1969
lampadaires allumés très fort et dans le hurlement
d’une foule calme rocambolesque
se trouver là à agir sérieusement : c’est-à-dire
risquer ! que dans l’infantilisme
apparent se brise aussi mon
pouvoir de m’en moquer.
Un Dieu très intérieur pouvait suffire
mon égoïsme ne fut pas suffisant pour moi
à ces gens ça ne suffit pas la saveur
d’une richesse dans la revanche
du reste étranglée. Nous devions
exprimer le meilleur : nous offrir
à une rhétorique qui était hurlement
de protestation à une destruction
intrépide dans nos maisons
apeurées. (Je perdis seule cet amour
du vertical, du dieu solitaire
en me révolutionnant dans les gens
en m’extirpant du ciel.)
*
Moristi anche tu ; o volesti morire, io
ne seppi notizia prima di morirne, semmai
fosti tu a darmela.
Ho la noia per traguardo, e la colpa
per retroguardia.
Tangente diviso, sono grottesca stasera
e gli orologi con i loro molti oggetti
non si stancano di guardare…
Tu mourus toi aussi ; ou tu voulus mourir, moi
j’en eus des nouvelles avant d’en mourir, si jamais
ce fut toi à m’en donner.
J’ai l’ennui pour ligne d’arrivée, et la faute
pour arrière-garde.
Tangente divisée, je suis grotesque ce soir
et les montres avec leurs nombreux objets
ne se lassent pas de regarder…
*
Il tuo biondo cenere
mi riduce in ceneri
compari, scompari, poi
non sai nemmeno se
hai qualche interesse
a incoraggiarmi, nemmeno
fai cenno.
E io che ti ricordo
in ogni dettaglio, viventissimo
con significati grandi
o piccoli assieme, di
cui tu non sai niente !
Ton blond cendré
me réduit en cendres
tu apparais, tu disparais, puis
tu ne sais même pas si
tu as un quelconque intérêt
à m’encourager, tu ne fais même pas
signe.
Et moi qui me rappelle de toi
dans les moindres détails, si vivant
avec des significations grandes
ou petites ensemble, dont
toi tu ne sais rien !
*
Il Cristo (Pasqua 1971)
Perché morendo ci fai venir a festa ? Semmai
era l’altro lato che andava premiato
e tu non rifiutasti quel cibo acerbo
vinaigre di festa e botte sulle spalle
pacchie e grandiose costruzioni per la
mente intorbidita : i cinque sensi hanno
dunque cosi poco conto o peso che tu
vaneggi su croce elegante e di legno ?
Se di legno marcisci non lamentare quel
tuo dolore alle spalle : esse fanno si
che tu operoso insoddisfatto pero rimi
come se fosse prima : e inoltre lezioni
dai del tuo operato costosissimo, nel
vaneggiare di cose insapori e digerite
cosi come la finalità di tutte le cose
cosi come il conto festoso e a rima quando
ti precipiti al balcone, dal balcone
per vederti camminare.
Le Christ (Pâques 1971)
Pourquoi en mourant tu nous fais venir à une fête ? Au besoin
c’était l’autre côté qui devait être récompensé
et tu ne refusas pas cette nourriture âpre
vinaigre de fête et tapes sur les épaules
veinardes et grandioses constructions dans l’
esprit engourdi : les cinq sens ont
donc si peu d’intérêt et de poids que toi
tu délires sur une croix élégante et de bois ?
Si tu pourris sur le bois ne te plains pas de cette
douleur aux épaules : c’est grâce à elles
que toi actif insatisfait cependant tu rimes
comme si c’était avant : et en plus des leçons
tu donnes de tes œuvres si coûteuses, dans le
délire de choses insipides et digérées
telle que la finalité de toutes les choses
tel que l’addition festive et en rimes quand
tu te précipites au balcon, du balcon
pour te voir marcher.
*
Neve 1973
Neve, a bricconi sulla pianta della testa
rivoluzione pesante delle maniere, manierismo
anche quello se tu non puoi più andare
avanti col soliloquio (arancione naturalmente)
così come avevi condotto a sperare. Non
puoi più mentire a te stessa ! – s’è scippata
la burrasca, e t’hanno chiuso dentro per
farti meglio ragionare.
Io non sono quello che apparo – e nel bestiame
d’una bestiale giornata a freddo chiamo
voi a recitare.
Neige 1973
Neige, en coquins sur la plante de la tête
révolution lourde des manières, maniérisme
cela aussi si tu ne peux plus aller
de l’avant avec le soliloque (orange naturellement)
tel que tu avais amené à l’espérer. Tu ne
peux plus te mentir à toi-même ! – La bourrasque
s’est arrachée, et on t’a enfermée dedans pour
mieux te faire réfléchir.
Moi je ne suis pas ce que je parais – et dans le bétail
d’une journée bestiale à froid je vous appelle
vous à jouer la comédie.