Retour au sommaire de la revue Solstices n°3
Offert au vent piquant
A genoux dans l’humus
Je laisse le petit vent piquant
Jouer de moi
Recouvrir mon visage
Des feuilles d’or souple
Affutées par l’automne
C’est bien ici l’automne
Qui façonne et rançonne
Mes cathédrales rieuses
La forêt me linceule
D’un silence bruissant
De roux et d’ocre
Offert au vent piquant
J’en oublie de mourir
*
Machairodus
Quand l’hiver et la nuit
S’accouplent un beau dimanche
Les nouements se déploient
Par rafales en nos gorges
(peur du machairodus arrêté par le feu à l’entrée de la grotte)
Il n’est plus temps de rire
De courir sus aux belvédères
Juste peler l’angoisse
Comme une écorce molle
(je t’aime un peu beaucoup passionnément dimanche aussi)
Dehors gémissent en loups hostiles
La bise besognant sa nuit
Demain l’enfant qui perçait sous la chape
Redevient un Titan
(je frappe un peu beaucoup passionnément – machairodus occis)
*
Transports
L’époque babillante
Nos parents menottés
à des poussettes heureuses
ratissant les jardins.
On se moque de marcher
sous le train des nuages
le chariot se meut seul
petits cahots aimants.
Et puis on brûle
on brûle on brûle
calories neurones
certitudes idéaux
moteurs de voitures
tout près du grésil
on brûle
La période ânonnée
Mes enfants menottés
à ma chaise sur roues
certains dimanches rasants.
On se moque de parler
Privilège du sursis
la chaise se meut seule
sous le train des nuages.
*
Quête
De la main
De la langue
De l’idée qui s’invente
Je rénove ma
Quête
D’aspérités
Nodules accastillés
Excroissances enjouées
Tout ce qui bout
D’aspérités
M’inspire
Le lisse corrompt
Le lisse corrompt
Fait le lit de
l’ennui
*
*
Les sarments
Nos écrits
Se racornissent
Comme la peau molestée
Par le temps la dune
Etêtée par le vent
Les mots se recroquevillent
Sur le squelette
De l’essentiel
Les mots aimants, les mots
Dompteurs de sens, lascifs ou nus
Meurent tour à tour
A la jetée
Les mots d’amour tombent un par un
Au champ d’honneur
Reste le vin tourné
Le galbe momifié
Un chapelet de mots qui n’en disent pas tant
Et s’amoncellent en tas
D’inélégants sarments.
*
Le gypaète
Entre le masque bantu
Et la tête réduite
Je bombe le torse
Moi, le gypaète barbu
Une fois par siècle Vent chaud
On me dépoussière
Jamais la même gueule
Au bout du plumeau plongée
Pas le temps pour moi rivière
De m’attacher
De mes yeux perlés
Je fixe sans ciller
Façon incandescente boire
Une petite Atèle
A la toison soyeuse
Mon combat est vain
Car je la sais conquise Vent chaud
Par la dent de marsouin
Aux reflets de banquise
Reste à me concentrer
Sur les craquements sourds filet
Du Vieux parquet cosaque
Et l’inclinaison molle noir
Du temps désappointé
*
Les colosses
Quelques colosses usés
jettent leurs filets
de pampres érectiles
et la sève lunaire
tricote des aiguillons
Sur les cheveux roux
de la promeneuse
une treille crispée
pose sans contrainte
son crépu décharné
La couronne christique
Et la sève lunaire
griffe le ciel du monde.
*
Vous
On se dit Vous
A tour de bras.
La coquetterie
Que voilà.
On se vouvoie
Du bout des angles.
Se dépose un voile pudique
Sur la godille de nos émois
On se vouvoie
Perles de gemmes
Et cristallines euphories
Nées d’Outre-Moi
On se dévoie
Nez dans la grâce
Cligne l’ondulante musique
Qui nous ravive
Et nous fourvoie.
*
La frange
Les jours de pluie dies irae
je veux trouver la frange
là où le Sec et l’Eau
se lèchent la trogne
éhontément
sans crier Timber
sans crier Carambar
Guerre guerre ou Gare
A la marge du Sec
Là, très précisément
où tombe enfin le bel outrage
Lorsque le Sec se jette à l’Eau
Il y a toujours une motte
pour arrêter l’orage
je rêve de cet endroit
comme d’autres cherchent encore
le cul de l’arc-en-ciel
J’y rêve tant et plus
que j’en oublie souvent
combien la pluie est belle
les jours de pluie
dies irae
les jours de plic
dans les dentelles
*
Cocon
Là campent trois géants
sur la marge grêleuse
qui tranche l’horizon
Dans la frange laiteuse
de ce quartier d’automne
ils battent une chamade
digne d’un cœur de bœuf
font sonner le tocsin
de la Verte Arrogance
À leurs pieds un cocon
de joncacées sauvages
piqueté ça et là
de lys en connivence
À leurs pieds un cocon
au dénivelé sage
ivre de candeur
M’ATTEND