Les deux personnages, Pierre et Claire ne s’envoient pas réellement des lettres. Au fur et à mesure de leurs voyages, ils écrivent dans un carnet leurs pensées, puis se les échangeront une fois face à face.
03/07/20
À Tokyo
Claire,
Comme tu le sais, je suis au Japon pour les vacances. J’espère que les tiennes se passent bien. Personnellement je ne peux pas te décrire à quel point ce voyage est bénéfique pour moi, dans tous les sens du terme. J’ai choisi de faire ce périple pour découvrir une nouvelle culture, mais en arrivant ici c’est bien plus qu’un nouveau monde que j’ai découvert, c’est un nouveau moi. Je ne pensais pas que l’inconnu serait aussi effrayant et pourtant si, mais quand tu franchis enfin le pas tu ne risques pas d’être déçu. Au moment où je suis descendu de l’avion j’ai enfin compris que le bonheur n’était pas le confort matérialiste mais bien mémoriel, tu me suis ? Je comprends désormais que, peu importent les nombreux chemins que j’emprunterai dans la vie, seuls les souvenirs de ces aventures resteront, alors pourquoi ne pas vivre une aventure éternelle ?
Ici tout est différent, voilà ce qui fait la beauté du lieu ; aucun repère, aucune attache, rien que de l’insolite, de l’inédit, tout est à découvrir, les opportunités sont infinies.
Je ne pense pas m’arrêter là, je veux tout découvrir, faire le tour du monde et ressentir sans cesse ces émotions. C’est une source inépuisable de bonheur, une allégresse inextinguible d’être ici, mais aussi un profond changement s’est opéré en moi depuis que j’ai quitté le France.
J’ai enfin répondu aux questions que je me posais depuis bien longtemps, j’ai compris que la liberté est un concept bien abstrait et qu’il s’agit d’un état d’esprit. Je peux désormais voir le monde qui nous entoure tel qu’il est, et pas tel qu’on veut nous le montrer. Je n’ai plus besoin de comprendre pour voir, mais de voir pour comprendre.
J’espère que tu comprendras un jour et que tu ressentiras ce que je ressens aujourd’hui.
En attendant je te souhaite de bonne vacances.
J’ai hâte de savoir dans quel pays tu es !
Je t’embrasse,
Pierre.
***
09/07/20
À Montréal
Pierre,
Chaque jour est une renaissance lorsque que je découvre un nouveau lieu. Tu le sais, nous le savons tous, je suis une aventurière dans l’âme, et pourtant mon manque de courage m’empêche d’aller aussi loin que mon cœur le voudrait… mais bon, j’ai pu découvrir des lieux merveilleux à Montréal.
Le musée et le jardin botanique font partis de mes préférés ! Mais tu me connais, j’ai toujours adoré l’art ainsi que les plantes… J’espère qu’un jour je pourrais visiter un musée en plein air, ce serait génial.
Les gens ici sont vraiment très sympathiques, je t’avoue partager la même idée du voyage que toi, néanmoins j’aime à croire que je suis plus terre à terre, pour moi un voyage c’est rencontrer de nouvelles personnes qui peuvent, parfois, être encore plus intéressantes que le lieu lui-même.
J’essaye de rencontrer le plus de personnes possible, tout en m’imaginant déjà dans un autre pays de l’autre côté du globe.
Comme à ton habitude je suppose que tu ne me détailleras pas les lieux que tu vas visiter, j’espère que durant ces vacances tu feras un petit effort !
11/07/20
À Montréal
Je suis à l’aéroport et je sais ce que tu vas te dire en lisant cette lettre et oui : déjà !
J’ai rencontré dans une rue piétonne du centre-ville une jeune indienne venue en vacances ici, à Montréal.
On s’est rentré dedans, tout simplement, et elle s’est excusée en anglais alors j’y ai vu une opportunité d’améliorer ma prononciation : on s’est assises toutes les deux sur un banc, dos à un arbre, puis on a commencé à parler pendant une heure, la conversation était tellement fluide, comme si je parlais à une de mes amies proches, j’ai adoré discuter avec elle.
Elle me racontait des petites aventures qu’elle avait vécues à New-Delhi, la ville d’où elle vient, elle m’a également parlé des paysages, de la foule qui ne s’arrête jamais mais aussi des monuments uniques en leur genre.
J’ai foncé à l’aéroport, direction l’Inde.
J’ai hâte d’y arriver, je ne fais que trembler en écrivant cette lettre tant je suis excitée !
Pour une fois, je suis ravie d’écouter mon instinct plutôt que ma raison, et j’espère que je ne serai pas déçue.
J’ai beaucoup aimé mon petit séjour à Montréal, mais malgré cela, maintenant que je suis à l’aéroport prête à quitter cet endroit, je me dis que le dépaysement n’était pas encore total, que je pouvais trouver un endroit qui me couperait totalement de tout ce que je connais déjà.
J’espère ne pas être déçue.
Je te souhaite de bonnes vacances, à très vite.
Je t’embrasse,
Claire
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11/07/20
À Tokyo
Chère Claire,
Le Japon est un des plus beaux pays que j’ai jamais visité.
J’ai passé mes journées à vagabonder dans les rues, à observer les maisons, les arbres, les rivières, émerveillé par la beauté du paysage.
Tu vas sûrement me dire que nous avons tout ça en France, et évidemment j’en ai bien conscience, mais le fait de sillonner les rues d’une ville étrangère est la chose que je préfère lorsque je voyage.
Tout est tellement différent ici, j’ai l’impression que même l’air est différent, que mon esprit n’est plus le même lorsque je suis dans un autre pays.
J’adore cette sensation d’être émerveillé à chaque fois que je redécouvre quelque chose, même si cette chose en question n’est guère différente dans tous les autres pays du monde.
Le plus impressionnant est de marcher dans une petite rue totalement vide, avec des maisons typiquement japonaises qui débouchent sur une rue bondée de touristes entourés de magasins aux couleurs explosives.
La bonne humeur est partout, et le fait que je fasse ce voyage seul me donne du baume au cœur à chaque fois que je rencontre de nouvelles personnes. Étant seul je me consacre à moi-même et ça me permet de tisser des liens plus sincères avec les autres!
J’espère que tu passes de bonnes vacances là où tu es, j’ai hâte de te raconter plus en détail mes journées passées ici.
À très vite,
Pierre.
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14/07/20
À New-Delhi
Pierre,
Maintenant que je suis en Inde, j’ai eu le temps de me reposer longuement et de réaliser ce que je venais de faire.
Jamais je n’aurais pensé dans ma vie voyager sur un coup de tête, décider en une soirée de partir à l’autre bout du monde, et je t’avoue que cette décision fut incroyablement libératrice pour moi.
J’ai toujours pensé que mon sentiment de liberté était réel : je peux faire ce que je veux en France, je suis libre de mes choix, mais ici c’est tout autre chose, je te parle d’une autre forme de liberté.
Je parle de la liberté de voyager évidemment, mais aussi de faire voyager son esprit, ses pensées pour qu’elles rentrent en collision avec une nouvelle culture, une nouvelle perception des choses.
Ce que j’aime ici c’est passer inaperçue, pouvoir observer un autre-monde défiler sous mes yeux.
C’est très différent d’observer le monde défiler lorsqu’il s’agit d’un monde que l’on connaît, on ne fait plus attention à rien lorsque l’on est trop familier à quelque chose, j’avais un peu l’impression de passer à côté de quelque chose.
Maintenant tout est limpide, j’ai hâte de découvrir ce nouveau monde mais (et ce que je vais te dire va te sembler un peu étrange) aussi de laisser une part de mystère dans ce nouvel environnement pour que je puisse, même une fois rentrée, avoir l’impression d’avoir découvert un nouveau territoire et que ma quête ne se finira jamais.
Je pense faire ça la prochaine fois que je voyagerais: laisser une part d’inconnu, et je sais que tu trouveras ça bizarre mais je me comprends, je veux simplement ne pas tout découvrir pour ne pas avoir ce faux sentiment de satisfaction d’avoir tout visité dans une nouvelle ville.
Je ne veux plus de ce sentiment, il est trompeur : à quoi bon tout visiter si on ne profite de rien ?
J’aimerais prendre ça comme une leçon de vie, laisser dans ma propre vie une part de mystère à ne jamais découvrir, apprendre à connaître des choses sans toutefois tout savoir à leur sujet pour toujours trouver quelque chose d’intéressant chez eux…
Appliquer ça à la routine monotone de nos vies serait peut-être intéressant, je vais y réfléchir.
Après tout, le voyage en lui-même représente une coupure dans notre routine, mais ça n’en sera que plus douloureux une fois le voyage terminé, et quand j’y pense chaque chose que l’on fait représente un voyage : une année scolaire, une relation amicale… peut-être qu’au fond il faut prendre son temps pour tout, découvrir peu à peu, à petite dose pour en éprouver un plaisir encore plus vif.
La vie est trop monotone pour s’arrêter de tout découvrir, certes, mais je pense qu’il faut prendre son temps pour tout, et même s’il est très précieux, le temps finit toujours par passer alors j’espère ne pas le gâcher en passant à côté de quelque chose en allant trop vite.
J’espère que cette lettre ne t’aura pas trop embrouillé les idées, je sais que ton idée du voyage est déjà faite, mais je tenais à te partager la mienne.
À très vite,
Claire
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